mardi 26 janvier 2010

Vingt thèses pour repartir du pied gauche

Article de Jacques Julliard, paru dans "Libération" le 18 janvier 2010.

Par JACQUES JULLIARD Historien, journaliste

Liste courte

1. Nous vivons un nouvel âge du capitalisme.
2. Ainsi le nouveau capitalisme a choisi de ressusciter son pouvoir de classe dans sa nudité.
3. C’est à la faveur de la mondialisation de l’économie qu’un grand coup de force intellectuel et social a pu être exécuté sans coup férir.
4. La déréglementation de la production, des marchés et des services, dont Ronald Reagan, Margaret Thatcher et George W. Bush ont été les agents les plus actifs, n’a pas tardé à produire ses effets néfastes.
5. Dans les grands pays industriels, la financiarisation de l’économie s’est accompagnée d’une désindustrialisation délibérée et de la destruction d’emplois par millions.
6. Le néocapitalisme a retrouvé ses instincts prédateurs longtemps endormis dans la recherche de la paix sociale.
7. Privés de toute perspective d’avenir, de tout projet positif, les syndicats se sont repliés sur une posture purement défensive de préservation de l’emploi et des rémunérations.
8. L’Europe, qui, à cause des positions de ses deux nations de tête, l’Allemagne et la France, aurait dû jouer un rôle de contrepoids aux tendances hyperlibérales du capitalisme anglo-saxon, a failli complètement.
9. A l’échelon politique national, la deuxième gauche, qui s’était donné pour mission la modernisation économique et culturelle de la France, grâce à la participation de la société civile à la décision politique, représente une voie désormais dépassée.
10. Le risque actuel, c’est un nouveau populisme.
11. Les droits de l’homme ne sont pas une politique. Ils sont un problème ; non une solution.
12. L’écologie n’est pas une politique.
13. La révolution n’est pas une politique.
14. Pour autant, l’antisarkozysme ne saurait être une solution.
15. L’alliance exclusive avec le centre ne saurait être une solution.
16. Pour les mêmes raisons, la gauche ne saurait être représentée, lors de l’élection présidentielle, par un représentant de l’establishment financier.
17. L’avenir est à un grand rassemblement populaire, ouvert à toutes les forces hostiles au néocapitalisme, du centrisme à l’extrême gauche.
18. Le facteur déclenchant pourrait être la constitution d’un bloc syndical, doté d’un programme d’urgence, dont la CGT et la CFDT doivent prendre l’initiative.
19. Le premier objectif du rassemblement populaire doit être la maîtrise du crédit, au moyen de la nationalisation, au moins partielle, du système bancaire.
20. La destruction de toute forme de planification indicative et de toute politique industrielle, en un mot de toute espèce de régulation, est l’une des causes principales des dérives que nous connaissons aujourd’hui.

Liste développée

1. Nous vivons un nouvel âge du capitalisme. Après l’ère des managers, voici venue celle des actionnaires. Les détenteurs du capital, longtemps silencieux, ont mis au pas les gestionnaires, qui s’appuyaient sur leur expertise technique. Les seconds pouvaient avoir le sens de l’intérêt général ; ils s’accommodaient de certaines formes de régulation et négociaient avec les syndicats la répartition de la plus-value. Les actionnaires, au contraire, se désintéressent de l’objet même de leur investissement ; ils réclament des profits immédiats et énormes, jusqu’à 15% du capital investi. C’est pourquoi ce nouveau capitalisme consacre le triomphe de l’hyperlibéralisme. Il est de nature essentiellement financière et bancaire, le plus souvent déconnecté de l’économie réelle. Il est donc avant tout spéculatif. Il est à l’origine de la crise mondiale que nous traversons.

2. Ainsi le nouveau capitalisme a choisi de ressusciter son pouvoir de classe dans sa nudité. Il s’est installé à la faveur de l’effondrement des régimes communistes. Sans concurrence ni contestation, il a pu imposer ses exigences sans en craindre des conséquences politiques et sociales. Il a multiplié les licenciements spéculatifs, les délocalisations, sans redouter les réactions exclusivement défensives de la classe ouvrière. Il a éliminé toute concertation globale, tant avec l’Etat qu’avec les syndicats. Dans le domaine bancaire, il s’est lancé dans une fuite en avant sans précédent, multipliant les spéculations risquées et inventant des produits financiers dérivés sans contrepartie économique réelle. Sans égard pour les situations sociales souvent dramatiques qu’il suscitait, il a fait sauter le vernis de civilisation qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, recouvrait le capitalisme évolué.

3. C’est à la faveur de la mondialisation de l’économie qu’un grand coup de force intellectuel et social a pu être exécuté sans coup férir. Le capitalisme financier a su tirer parti de l’ouverture des marchés émergents, mettre en concurrence les travailleurs à l’échelle internationale pour faire pression sur les salaires. Il s’est imposé comme la seule hyperpuissance à l’échelle planétaire, au détriment des Etats.

4. La déréglementation de la production, des marchés et des services, dont Ronald Reagan, Margaret Thatcher et George W. Bush ont été les agents les plus actifs, n’a pas tardé à produire ses effets néfastes, rendus visibles par la crise financière commencée en 2008. En dépit des vœux de l’opinion publique, des experts et d’une partie de la classe politique, le néocapitalisme continue de s’opposer victorieusement à tout retour de la réglementation. Les G7, G8, G20 en ont été pour leur frais. Jamais la domination du secteur financier sur le secteur industriel, et du secteur économique sur le secteur politique et diplomatique, ne s’était affirmée avec une telle arrogance, malgré le discrédit des acteurs.

5. Dans les grands pays industriels, la financiarisation de l’économie s’est accompagnée d’une désindustrialisation délibérée et de la destruction d’emplois par millions. Désormais, le plein-emploi n’est plus recherché comme un objet de l’activité économique ; le chômage est devenu structurel ; le néocapitalisme s’est reconstitué une armée industrielle de réserve.

6. Le néocapitalisme a retrouvé ses instincts prédateurs longtemps endormis dans la recherche de la paix sociale. Les dirigeants des grandes entreprises partagent désormais la mentalité des actionnaires. Il s’agit pour eux de se vendre le plus cher possible et d’accumuler en quelques années, parfois en quelques mois, des fortunes colossales. La rémunération des dirigeants, longtemps marginale dans le chiffre d’affaire des entreprises, est devenue un poste considérable. L’explosion des bonus, parachutes, primes, indemnités de toutes sortes a décuplé en une vingtaine d’années. Le continuum des rémunérations a fait place à une société de corps séparés et de privilèges, telle qu’elle existait en France à la fin de l’Ancien Régime.

7. Privés de toute perspective d’avenir, de tout projet positif, les syndicats se sont repliés sur une posture purement défensive de préservation de l’emploi et des rémunérations. Les grandes entreprises ont éliminé toute concertation globale et, dans le meilleur des cas, regardent les syndicats comme des auxiliaires utiles dans le maintien de l’ordre social. En perte de vitesse auprès de leurs adhérents, ceux-ci se trouvent marginalisés dans le nouvel ordre économique. Nous vivons un véritable réensauvagement des rapports sociaux.

8. L’Europe, qui, à cause des positions de ses deux nations de tête, l’Allemagne et la France, aurait dû jouer un rôle de contrepoids aux tendances hyperlibérales du capitalisme anglo-saxon, a failli complètement, au chapitre économique comme au chapitre politique. Conduite par des politiciens médiocres et sans vision, elle s’est faite l’instrument docile des tendances les plus dérégulatrices du capitalisme international. Cette véritable forfaiture explique le discrédit qui la frappe dans les classes populaires de tous les pays membres.

9. A l’échelon politique national, la deuxième gauche, qui s’était donné pour mission la modernisation économique et culturelle de la France, grâce à la participation de la société civile à la décision politique, représente une voie désormais dépassée. Elle reposait sur la notion de compromis social, c’est-à-dire la négociation entre les principaux partenaires économiques. Cette voie contractuelle a été délibérément bafouée par le néocapitalisme qui, assuré de la victoire, a préféré l’affrontement. C’est la fin de l’idéal d’une société policée, soucieuse d’affermir le lien social. Quelques-uns des membres les plus éminents de la deuxième gauche se sont fait les auxiliaires du pouvoir sarkozien : c’est dire l’étendue de leur renoncement et de leur faillite.

10. Le risque actuel, c’est un nouveau populisme. Le prolongement de la crise, désormais probable, notamment sous la forme du chômage, crée un trouble politique profond. A la différence de celle de 1929, où la faillite du libéralisme conduisait la droite à envisager des solutions fascistes et la gauche des solutions communistes, le monde politique est aujourd’hui muet. Il en va de même des intellectuels chez qui les droits de l’homme et l’écologie constituent des religions substitutives de salut. L’absence de solution politique favorise le développement de dérives psychologiques : l’envie, la haine de l’autre, le culte du chef, la recherche du bouc émissaire, le culte de l’opinion publique à l’état brut représentent autant de succédanés au vide politique béant de la période.

11. Les droits de l’homme ne sont pas une politique. Ils sont un problème ; non une solution. Ils sont une exigence nouvelle de la conscience internationale ; mais ils tardent à se concrétiser dans un mouvement politique cohérent. D’autant plus que l’alliance traditionnelle entre le libéralisme économique et le libéralisme politique est en train de se déliter. La Chine donne l’exemple inédit d’un grand marché libéral gouverné par une dictature politique intransigeante. La bataille pour les droits de l’homme est de tous les instants ; mais elle a besoin de s’inventer dans une politique internationale nouvelle.

12. L’écologie n’est pas une politique. Pour le système industriel, la défense de l’environnement n’est pas à l’échelle macroéconomique une solution à la crise et au chômage, mais une contrainte supplémentaire. Pas plus que l’informatique hier, elle ne saurait répondre aux problèmes posés par la financiarisation de l’économie et l’absence de régulation à l’échelle internationale. Elle tend à rendre plus coûteuse et plus difficile la relance économique nécessaire pour donner du pain et du travail aux habitants de la planète. L’écologie demeure bien entendu une préoccupation nécessaire ; une ardente obligation économique et sociale, non le prétexte à des opérations politiciennes.

13. La révolution n’est pas une politique. Aussi longtemps que le socialisme centralisé n’aura pas apporté la preuve qu’il pouvait changer le modèle de développement sans attenter aux libertés civiques, il restera inacceptable, et du reste inaccepté par les citoyens. Le piétinement des partis révolutionnaires, incapables de trouver une base de masse dans les milieux populaires, en fait l’expression de la mauvaise conscience, voire de la conscience mystifiée des nouvelles classes moyennes. Ils sont l’une des formes principales, insuffisamment soulignées, de la démobilisation de l’électorat de gauche. Face au néocapitalisme, le gauchisme ancien n’a strictement rien à dire.

14. Pour autant, l’antisarkozysme ne saurait être une solution. Le sarkozysme est un étrange corps mou et caoutchouteux. Elu sur une campagne hyperlibérale, Nicolas Sarkozy s’est retrouvé sur des positions dirigistes deux ans plus tard. Favorable à un rapprochement avec l’Angleterre, il a fini comme ses prédécesseurs par privilégier l’alliance avec l’Allemagne. «Américain» au temps de George W. Bush, il a fini par incarner les velléités de résistance européenne à l’hégémonie américaine. Son évolution actuelle, qui n’est pas sans rappeler le bonapartisme de Napoléon III, en fait une silhouette mouvante et une cible illusoire.

15. L’alliance exclusive avec le centre ne saurait être une solution. Le programme d’un regroupement centriste ne serait guère différent des pratiques politiques de Nicolas Sarkozy depuis le déclenchement de la crise économique : ce serait celui de l’aile éclairée du néocapitalisme, sans influence sur le cours des événements. Sa base sociale se révélerait vite des plus étroites. Sa cohérence ne résisterait pas à l’exercice du pouvoir. Pour autant, l’évolution d’une grande partie de l’électorat centriste doit être prise en compte. Pour des raisons politiques, sociales, mais aussi culturelles, il est en train de se détacher du principe jusqu’ici immuable de l’alliance à droite.

16. Pour les mêmes raisons, la gauche ne saurait être représentée, lors de l’élection présidentielle, par un représentant de l’establishment financier. L’élection d’un tel candidat, incapable d’établir un rapport de forces avec les représentants du milieu dont il serait issu, conduirait aux mêmes impasses et aux mêmes désillusions que l’alliance centriste. Le candidat de la gauche doit être porteur d’une solution alternative.

17. L’avenir est à un grand rassemblement populaire, ouvert à toutes les forces hostiles au néocapitalisme, du centrisme à l’extrême gauche, décidé à installer un nouveau rapport de forces au sein de la société. Au fur et à mesure que la crise développera ses effets, la nécessité d’un tel rassemblement s’imposera davantage. Elle ne pourra se réaliser uniquement à partir de combinaisons d’appareils ; c’est la société qui doit l’imposer à ceux-ci. La nature de ce rassemblement sera évidemment d’essence réformiste et se pensera au sein de l’économie de marché. L’avenir est à une social-démocratie de combat.

18. Le facteur déclenchant pourrait être la constitution d’un bloc syndical, doté d’un programme d’urgence, dont la CGT et la CFDT doivent prendre l’initiative. Les clivages syndicaux actuels sont des héritages de la guerre froide, que seule la tendance des appareils à se reproduire à l’identique continue d’imposer. A défaut d’une unité organique qui est l’objectif à moyen terme, un pacte d’unité d’action s’impose. Il ne devrait pas se limiter à des objectifs purement défensifs, mais ambitionner, comme à la Libération, une réforme en profondeur des structures financières et économiques du pays. Ce nouveau bloc devra envisager la coordination de son action à l’échelle internationale, et d’abord européenne.

19. Le premier objectif du rassemblement populaire doit être la maîtrise du crédit, au moyen de la nationalisation, au moins partielle, du système bancaire, qui est à la source de la crise actuelle. Telles qu’elles fonctionnent actuellement, la plupart des banques ont déserté leur mission essentielle, à savoir la collecte des capitaux au service de l’expansion économique, au profit d’activités purement spéculatives et nuisibles. Le but de la nationalisation est de ramener le système bancaire à sa fonction productive.

20. La destruction de toute forme de planification indicative et de toute politique industrielle, en un mot de toute espèce de régulation, est l’une des causes principales des dérives que nous connaissons aujourd’hui. La nécessité de rétablir une régulation économique respectueuse du marché est aujourd’hui comprise de tous. Seuls manquent pour le moment la volonté politique et les moyens de l’exercer. Il appartient à un rassemblement démocratique de les faire apparaître.

Quelle gauche d’après la crise ?

Références

- Quelle gauche d’après la crise ?, France-Culture, 26 janvier 2010. avec Jacques Julliard, Editorialiste au "Nouvel Observateur"; Marc Crapez, Politologue et Chercheur en sciences politiques à Paris X, Frédéric Sawicki. Professeur de sciences politiques à l’Université Paris I

- Marc Crapez. Un besoin de certitudes: anatomie des crises actuelles. Michalon - 28 janvier 2010

- "Vingt thèses pour repartir du pied gauche". Article de Jacques Julliard, paru dans "Libération" le 18 janvier 2010.

lundi 25 janvier 2010

Faut-il une politique de maîtrise des flux migratoires ?

Références

- Cette France - là, celle du Ministère de l'Immigration et de l'Identité nationale. La suite dans les idées, invité: Michel Feher, philosophe, France-Culture, 19 décembre 2009

- Association Cette France-là. Cette France-là. La Découverte - 4 mars 2009

- Dirigé par Didier Fassin, Eric Fassin, Stéphane Beaud, Michel Feher...
De la question sociale à la question raciale?: représenter la société française
La Découverte - 26 octobre 2006

- Vacarme: Politique non gouvernementale n° 34, janvier 2006. Collectif dirigé par Michel Feher

samedi 23 janvier 2010

De la démocratie

Ouvrages

- Pourquoi nous n'aimons pas la démocratie ? Myriam Revault d'Allonnes. Seuil - 11 février 2010

4e de couverture : On se souvient de la formule de Churchill: « La démocratie est le pire des régimes, à l’exception de tous les autres. » À l’évidence,nous n’« aimons » pas la démocratie. Et pourtant nous sommes tous démocrates… Étrange procès en désamour que celui-là, dont la virulence égale l’ancienneté : toute petite déjà, à Athènes, la démocratie ne manquait pas de détracteurs. Myriam Revault d’Allonnes s’interroge, non pas sur les critiques ou les sarcasmes dont la démocratie est l’objet, mais sur la nature de l’expérience démocratique, travaillée par l’incertitude, le conflit, l’inachèvement, inextricablement liée à ce qui s’oppose à elle et la menace. Comment l’homme démocratique,confronté à cette existence toujours problématique, ne serait-il pas en proie à l’insatisfaction et à la déception permanentes ? Cependant, si nous n’« aimons » pas la démocratie, pouvons-nous ne pas la vouloir ? Car c’est bien l’expérience démocratique qui fait de nous des sujets éthiques et politiques,
des citoyens qui ne veulent pas être ainsi gouvernés : « pas comme ça, pas pour ça, pas par eux ».

vendredi 22 janvier 2010

La carte d'identité

Références

- “Vous êtes Français ? Prouvez-le !”, veilleur de jour, 22 janvier 2010. http://veilleur.blog.lemonde.fr/2010/01/22/vous-etes-francais-prouvez-le/

La réforme des retraites

Factbook:

- En France, il existe trente-sept régimes de retraite différents, tous fondés sur la technique de la répartition, qui servent 98 % des pensions.

- L'espérance de vie a connu une très forte progression et l'espérance de vie en bonne santé après 60 ans a progressé encore plus vite.

- La durée d'emploi avant l'âge de 30 ans a baissé régulièrement.

- L'âge moyen d'acquisition du premier trimestre cotisé a reculé, particulièrement chez les moins qualifiés.

- La sortie de la vie active, qu'elle soit motivée par une décision individuelle, institutionnelle ou qu'elle résulte du choix des entreprises, intervient de façon plus précoce.

Références

- La retraite universelle, un débat préalable, par Jean-Marie Spaeth, Le Monde, 21 janvier 2010 (Jean-Marie Spaeth est président de l'Ecole nationale supérieure de sécurité sociale (EN3S), ancien président de la CNAVTS et de la CNAMTS.)

A propos d'Avatar

1. Avatar : rien d'autre qu'une bête justification de la guerre ! par Pierre Desjardins LEMONDE.FR, 27 janvier 2010

Naïvement, beaucoup ont vu dans le film de James Cameron Avatar un film antimilitariste, voire même pacifiste et écologiste. Pourtant, il n'en est rien ! Bien au contraire, ce film se veut l'éloge de la violence et de la guerre. Il est vrai qu'en inversant les rôles et en caricaturant l'armée américaine, ce film vient brouiller les cartes et en a confondu plus d'un. Mais, sous ses décors champêtres idylliques, ce film dissimule toutefois un discours éminemment corrosif : celui de la justification de la guerre pour les paisibles Occidentaux que nous sommes !

Rappelons d'abord la scène de cet arbre énorme qui tombe avec fracas au milieu d'une population désemparée. Comment ne pas y voir l'analogie avec la chute des tours du World Trade Center ? D'ailleurs, à partir de cette scène grandiose, tout se verra justifié pour le peuple d'indigènes sauvagement attaqué sur sa propre planète. Et c'est nul autre qu'un marine américain, Jake, le héros du film, qui proposera aux autochtones de s'unir ensemble (les forces alliées), pour réprimer et tuer ceux qui, tels des terroristes, les ont lâchement attaqués. C'est à ce moment qu'apparaîtra à l'écran dans toute sa splendeur l'aigle impérial américain (sous le couvert d'un dragon géant à la Transformers) que chevauchera hardiment notre héros américain pour mener les indigènes jusqu'à la victoire finale.

Ce héros, un simple soldat américain éclopé de la guerre, revampé dans un corps neuf, va reprendre du service mais pour une bonne cause cette fois-ci ! A ce titre, il est l'illustration parfaite de l'Américain moyen, c'est-à-dire un innocent qui ne veut pas de la guerre mais qui, pour les besoins de la cause, va finir par se transformer en un combattant enragé exhortant même la population indigène à le suivre dans le combat. Lorsqu'on est attaqué, il faut savoir se défendre. C'est là un droit absolu. Tel est le message central de cette superproduction américaine de 300 millions de dollars qui se veut l'expression de l'idéologie guerrière, c'est-à-dire celle de la guerre dite juste ou, si l'on veut, celle du bien contre le mal…

Car le film fait le partage entre les bons guerriers (les Na'vi) et les mauvais guerriers (les GI's). Mais on le sait, il n'y a pas de bons et de mauvais guerriers. Toute guerre, même celle qui semble la plus insensée, se fait toujours pour des motifs dits justes parce que de défense (ce n'est pas pour rien que l'on parle de ministère de la défense). Rappelons que même pour Hitler, la guerre était juste : il s'agissait d'élargir le territoire allemand pour assurer la survie de son peuple. On ne part pas en guerre pour se battre, vous dira d'ailleurs n'importe quel belligérant, mais pour se défendre ! C'est là l'essence même de la guerre et c'est cette essence fondamentale que veut remettre au goût du jour le film Avatar. Le mot même d'avatar, qui vient du sanskrit, désigne un envoyé de Dieu qui assure le combat du bien contre le mal.

Notons par ailleurs comment plusieurs scènes de combat dans la jungle sont un rappel de ce que fut pour les Américains la guerre du Vietnam où, malgré l'utilisation de napalm, la puissance américaine fut piétinée et humiliée. A pareille humiliation, propose subrepticement ce film, il faut désormais savoir riposter intelligemment. Non pas effrontément en écrasant tout sur son passage ou en employant bêtement du gaz toxique, mais en ciblant avec précision l'ennemi, et cela de concert avec les autres nations menacées. Ne trouve-t-on pas là la justification parfaite de la guerre en Afghanistan ?

Et, comme toujours, les indigènes nous sont présentés comme des êtres attachés à des rites dépassés et que doit guider vers le combat le héros intelligent du film. Armé d'une mitraillette pour anéantir l'envahisseur, ce Na'vi d'un type nouveau à l'allure d'un féroce exterminateur donnera l'exemple en montrant à ces pauvres indigènes comment combattre sans pitié et établir leur suprématie. Cela n'est pas sans rappeler les westerns américains où, presque toujours, un vaillant cowboy finissait par s'associer aux Indiens pour les inciter à se battre à mort contre l'armée américaine. En servant ainsi de justicier, pareil héros participait subtilement à une déculpabilisation nécessaire quant au génocide des peuplades d'Amérindiens.

De la même façon, ce film permet de redéployer l'aigle américain avec fierté et noblesse. Son réalisateur, James Cameron, aura sans doute compris mieux que tout autre cinéaste que pour qu'un film plaise, il faut savoir réconforter le public dans ses convictions. Tuer, oui, mais tuer uniquement ceux qui menacent la sécurité de nos pays ! Voilà qui est rassurant et sécurisant. Grâce à ce film, la formule si vis pacem, para bellum ("Si tu veux la paix, prépare la guerre") peut donc reprendre du service. Le seul hic toutefois avec cette vieille et ridicule formule est qu'elle est valable pour tout peuple qui se sent menacé…

Et dommage en terminant qu'un film qui, outre ses prouesses techniques, n'apporte rien de neuf sous le soleil, aille par ailleurs chercher tous les hommages. Se situant quelque part entre un film de Walt Disney et un épisode des Transformers ou encore, entre Jurassic Park et Terminator, Avatar va dans toutes les directions. Par exemple, la formule simpliste d'animaux amis des bons et ennemis des méchants est plus que désolante. Mais pour un pays où les problèmes environnementaux ne sont pas encore pris au sérieux, c'est sûrement amplement suffisant ! Et sans nul doute qu'avec des formules aussi racoleuses, le roi du monde, comme aime se nommer James Cameron, saura plaire à un très large public et sera, une fois de plus, couronné de tous les honneurs !

Pierre Desjardins est auteur et professeur de philosophie au collège pré-universitaire Montmorency (Québec).



2. Le non-darwinisme visionnaire de James Cameron, par Jean Staune, le Monde, 21 janvier 2010

http://www.lemonde.fr/opinions/article/2010/01/21/le-non-darwinisme-visionnaire-de-james-cameron-par-jean-staune_1295072_3232.html

Volontairement ou non Avatar nous introduit à une nouvelle conception de la théorie de l'évolution

Les grands films de science-fiction permettent souvent d'aborder de façon ludique des questions scientifiques ou philosophiques.

Avatar ne fait pas exception à la règle en nous incitant à nous interroger si, sur une planète ou régnerait des conditions proches de la terre, l'évolution se déroulerait de façon relativement identique ou de façon tout à fait différente à celle ayant conduit jusqu'à nous.


L'article de Thomas Heams (lire Le Monde des 17 et 18 janvier) repose sur la position darwinienne standard. Chaque trajectoire menant de l'ancêtre commun aux différents êtres vivants existant actuellement sur terre n'a été possible que grâce à l'accumulation d'un très grand nombre d'événements contingents, ce qui amène à penser que la probabilité de revoir la même trajectoire se dérouler, non seulement sur terre mais aussi ailleurs dans l'univers, et arriver au même résultat, est quasiment nulle.

C'est ainsi que Heams reproche (de façon humoristique) à Cameron de laisser penser que les structures des êtres vivants seraient "inéluctables et implacablement reproduites là où la vie réapparaîtrait".

Or c'est justement dans ce sens que se dirige quelques-unes des recherches les plus novatrices dans le domaine de l'évolution ! Ainsi, l'un des plus grands paléontologistes actuels, Simon Conway Morris, titulaire de la chaire de paléontologie de l'université de Cambridge, n'hésite pas à écrire : "Les mammifères et les singes sont apparus par le biais de trajectoires historiques spécifiques, mais dans ces cas (et dans beaucoup d'autres), les convergences variées en direction des mammifères et des singes indiquent que si chaque histoire est nécessairement unique, les formes complexes que l'on trouve au bout de ces processus ne sont pas simplement le résultat d'événements locaux et aléatoires. Sur toute autre planète aux caractéristiques équivalentes, je suggère que nous trouverons des animaux très proches des mammifères, et des mammifères très proches des singes. Non pas identiques, mais similaires, peut-être étonnamment similaires." Il est évident que la contingence et le hasard jouent un rôle dans l'évolution, mais l'idée majeure de cette nouvelle approche réside dans le fait qu'ils sont canalisés de telle façon que l'évolution serait en grande partie reproductible et prédictible.

On affirme parfois nous ne serions pas là si une météorite n'avait pas éliminé les dinosaures, mais dans ce cas, une ère glaciaire aurait fini par survenir, éliminant les grands animaux à sang froid et favorisant des petits animaux à sang chaud, et permettant à des êtres comme nous d'apparaître un jour ou l'autre.

Au-delà de cette idée du hasard canalisé, d'autres mécanismes doivent être envisagés pour expliquer cette disposition de l'évolution à reproduire des schémas identiques en dépit des événements contingents.

A une évolution qui se déroulerait majoritairement par sélection naturelle s'oppose l'idée d'une évolution qui se déroulerait principalement sous l'influence des lois de la nature. C'est ce qui explique que l'évolution pourrait ainsi se reproduire sur des planètes différentes à partir du moment où les conditions physico-chimiques seraient proches.

Il est impossible de savoir quelle hypothèse est la plus crédible tant que nous ne pouvons étudier que des formes de vie issues d'une seule et unique planète. Mais c'est là qu'une série de résultats récents, publiés dans des grandes revues scientifiques telles que Science et Nature, nous fournissent, à défaut de preuves, des éléments en faveur d'une évolution reposant sur les lois naturelles et non sur la seule sélection.

En étudiant d'une part des convergences qui existent sur terre (c'est-à-dire des cas où l'évolution parvient à des résultats identiques par des chemins différents) et d'autre part en montrant que les chemins suivis par l'évolution sont moins nombreux que prévus, ces travaux nous conduisent à des conclusions inimaginables il y a encore cinq ans : le fait qu'il existe seulement un petit nombre de chemins favorables implique que l'évolution peut être plus reproductible que ce que l'on pense généralement et peut être même prédictible.

Ainsi, exactement à l'inverse de ce qu'affirme Thomas Heams, les progrès de la biologie contestent l'idée que l'adaptation et la contingence seraient les facteurs clés de l'évolution.

On pourrait même en ironisant reprocher à Cameron de ne pas avoir été assez loin dans sa remise en cause de la contingence et dans sa défense d'une évolution répétable et prédictible. En effet, les animaux de Pandora ont six membres, alors que si l'on se fie aux travaux de Vincent Fleury (chercheur au CNRS, ndlr), on constate qu'il y a une logique et des contraintes telles à la formation de vertébrés terrestres pourvus de quatre membres, qu'il est tout à fait possible que le schéma tétrapode puisse apparaître sur Pandora et d'autres planètes.

Cette nouvelle conception, intitulée structuralisme, renoue avec les pensées de certains scientifiques qui étaient évolutionnistes tout en étant parfois antérieurs à Darwin, comme Geoffroy Saint-Hilaire.

Stephen Jay Gould, dans un de ses ouvrages, a réhabilité ce courant de pensée qui nous offre une alternative à la fois au darwinisme et à l'"intelligent design".

Ces deux approches, pourtant opposées, ont en commun de considérer les êtres vivants comme des structures contingentes, façonnées par "l'horloger aveugle" de la sélection naturelle pour les darwiniens (voir l'ouvrage de Richard Dawkins portant ce titre) ou par un designer pour l'intelligent design. A l'inverse, le structuralisme considère les êtres vivants comme étant nécessaires. Leur structure générale est inscrite dans les lois de la nature. A l'instar des cristaux de neige qui possèdent toujours six branches quelques soient les conditions de leur formation, les grands types d'êtres vivants sont en mesure de réapparaître encore et partout là où les conditions physico-chimiques le permettent.

Cette nouvelle vision de la vie, retrouvant d'anciennes intuitions, nous offre ainsi une troisième voie susceptible de déboucher sur de nouvelles découvertes.

Jean Staune est chargé de cours à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (Suisse). Auteur de Notre existence a-t-elle un sens ? (Presses de la Renaissance, 2007), Au-delà de Darwin (Jacqueline Chambon-Actes Sud, 2009). Il a dirigé les ouvrages collectifs Science et Quête de sens et La Science, l'homme et le monde, ayant rassemblé 35 auteurs dont 11 Prix Nobel.

mardi 19 janvier 2010

La réforme térritoriale

Références

- Les élus de droite restent réservés sur la réforme territoriale, L'Express, 19 janvier 2010 (Par Matthieu Deprieck)

- La réforme territoriale, c'est "le retour à une politique de supermarché", Interview de Jean-Jack Queyranne, président de la région Rhône-Alpes, L'Express, 20 octobre 2010

- Chronologie de la réforme des collectivités territoriales, L'Express, 20 octobre 2009

France: Comment sortir de la crise

Référéences

- Nicolas Baverez: Le syndrome du « Titanic », Le Point, 29 octobre 2009

Pour ou contre la taxe carbone

Références

- Nicolas Baverez: La taxe carbone pour la France, les emplois pour les Etats-Unis et la Chine, Le Point, 14 janvier 2010

Pour ou contre le Niqab

Références

- Niqab contre nationalité française : une proposition très ciblée, Libération, 20 janvier 2010

- Niqab : «Une loi serait contre-productive», Interview de Samir Amghar, Libération, 14 novembre 2010

De la préférence en politique

L'ancien président Jacques Chirac demeure la personnalité politique préférée des Français, avec 75% d'opinions positives en janvier, devant Rama Yade (72%) et Dominique Strauss-Kahn (72%), selon un sondage Ifop, à paraître dans Paris Match, en vente jeudi.

Références

- Chirac, politique préféré des Français, AFP (Le Figaro), 19 janvier 2010

Obama: le piège réformateur

Références

- Francis Fukuyama: «Obama s'est trompé sur la signification de son élection», Le Figaro, 19 janvier 2010

- Élection partielle au Sénat : Obama perd la majorité qualifiée, Le Point, 20 janvier 2010

Pourquoi Yves Michaud a t'il quitté l'esprit public ?

Est-ce à propos de l'affaire Polanski qui a été évoqué lors de l'émission du 4 octobre 2009.

Le 9 octobre 2009, sur France Inter, Yves Michaud a également eu une joute oratoire avec Alain Finkielkraut.

La vidéo de l’émission du 9 octobre animée par Nicolas Demorand sur France Inter, les philosophes Alain Finkielkraut et Yves Michaud au sujet de l’affaire Polanski:

La 1ere partie sans Yves Michaud



La 2eme partie avec Yves Michaud



Références

- L'émission Esprit public de France Culture du dimanche 4 octobre 2009 "Les élections fédérales en Allemagne - L'arrestation de Roman Polanski", qui serait à l'origine de ce renvoi

- Yves Michaud viré de France Culture : "J’ai été doublement cocu de Polanski"

- Meyer et Finkielkraut ont eu la peau du philosophe Yves Michaud, Bella Ciao, vendredi 6 novembre 2009

- L’esprit du peuple contre le système : Yves Michaud viré de France Culture, neotrouve.com, 6 niovembre 2009

- Yves Michaud sur Wikipedia

vendredi 15 janvier 2010

Jeux et hyperactivité

Le magazine Time, dans son édition du 7 décembre 2009, a publié un dossier Santé 2009, de A à Z , dans lequel on souligne les faits qui ont marqué la dernière année.

À la lettre G pour Gambling, on retrouve les travaux de recherche du Dre Linda Pagani dont les résultats ont été rendus publics en mars 2009.

Ses travaux ont pu démontrer l’existence d’un lien entre les comportements d’hyperactivité et d’inattention observés chez des enfants de maternelle, et un risque plus élevé de s’adonner à des jeux d’argent dès la fin du primaire, soit vers l’âge de 11 ans.

Initiée en 1999, cette étude prospective et longitudinale a été menée auprès d’une population de 163 enfants montréalais de maternelle, âgés en moyenne de 5,5 ans.

Linda Pagani, psychologue, travaille au sein de l’axe des Maladies du cerveau du Centre de recherche et s’intéresse particulièrement au développement des psychopathologies chez l’enfant.

Références

- Dr Linda Pagani sur le site de Sainte-Justine

- Predicting Gambling Behavior in Sixth Grade From Kindergarten Impulsivity
Linda S. Pagani, MD; Jeffrey L. Derevensky, PhD; Christa Japel, PhD
Arch Pediatr Adolesc Med. 2009;163(3):238-243. Lien

Pouvons nous controler nos gènes ?

Controlling Your Genes - Sharon Begley
The promise—and the hype—of changing your DNA through behavior.
Newsweek - Jan 14, 2010

Of all the discoveries about how experiences can reach into a creature's very DNA to turn genes on or off, I confess that my favorite is still one of the earliest, from 2004. That summer, scientists unveiled experiments in which they showed that how a mother rat treats her newborns—specifically, whether she attentively licks and grooms them, in the rodent version of mother love—affects whether certain genes in the brain are silenced or activated, with dramatic consequences for the rats' later behavior. But despite a lot of hope and hype, studies showing how experience alters genes have been few and far between—which is why a new one on smoking and diet caught my eye.

The study of these kinds of changes in genes is called epigenetics. Crucially, the changes do not involve alterations of gene sequences, those famous A's, T's, C's, and G's that the Human Genome Project figured out. When I first wrote about epigenetics, in 2003, it was pretty much a backwater, with a lot of scientists annoyed that (after all their hard work on sequencing) this upstart field—which claimed that DNA sequences are merely the beginning when it comes to understanding genetic traits—was raining on their parade. Now we're in danger of going too far in the other direction. Dr. Mehmet Oz's new book on pregnancy, YOU: Having a Baby, plays up epigenetics, which Oz has also been blogging on and discussing on his new TV show, saying that what a woman eats while pregnant can turn some genes on and some off. Time magazine's cover story this week promises that epigenetics will show how "the choices you make can change your genes."

True. But like so much else in medicine, epigenetics is at real risk of being overhyped. Although we know in principle that what Mom eats while pregnant can turn genes on or off, no one has any idea how to put that to practical use. Sure, you can eat lots of foods that contain the "off" switch—it's called a methyl group and consists of one carbon atom and three hydrogens—and hope that you turn off, say, cancer- or diabetes- or obesity-causing genes in Junior. But what if flooding the fetus with methyl groups turns off healthy genes?

The good news is that scientists are now making specific, actionable discoveries in epigenetics. This week, for instance, researchers are reporting that eating leafy green vegetables, folate (found in these veggies as well as in some fruits and in dried beans and peas), and multivitamins can affect the epigenetics of genes involved in lung cancer in a way that could reduce the risk of getting the disease, especially from smoking.

Steven Belinsky of the Lovelace Respiratory Research Institute in Albuquerque and colleagues examined cells coughed up by 1,101 smokers and ex-smokers. They then looked at the extent of methylation—the on/off status—of eight genes in the cells. In previous research, methylation of all eight genes had been linked to a higher risk of lung cancer; that is, gene off = higher likelihood of getting the disease.

That made sense, given the function of the genes. P16, for instance, is a tumor-suppressor gene. When its on switch (called the promoter) is methylated and thus turned off, p16 is silenced and the cell is denied p16's tumor-suppressing function, as Belinsky and colleagues reported in 1998. Cigarette smoke, for instance, contains carcinogens that methylate p16. Smoke also methylates the gene called MGMT, which repairs DNA. Without MGMT, damaged DNA can make a cell cancerous. "Aberrant gene methylation is a known mechanism in the development of cancer from cigarette smoke carcinogens," said Jacob Kagan of the National Cancer Institute in a statement. As Belinsky and his team describe in a new paper posted online in the journal Cancer Research, they found that eating a lot of leafy green vegetables, folate, and taking multivitamins containing vitamin C, carotenoids, lutein, folic acid, and vitamins A and K was strongly associated with lower methylation of these cancer-related genes.

A mere 12 servings a month of leafy greens reduced DNA methylation in these genes about 20 percent; taking a multivitamin reduced it almost 50 percent, says Belinsky. As a result of lower methylation, these beneficial genes—suppressing cancer and repairing DNA—remained on. So it seems that these foods and vitamins can counteract the effect of cigarettes on DNA: although the carcinogens in smoke turn off the beneficial genes, these foods keep them in the game.

And it isn't just cancer. A new study from scientists at Cambridge University found a connection between heart disease and DNA methylation. In a nutshell, they found that particular regions of the DNA in the diseased hearts contained DNA-silencing marks—methylation—while healthy hearts did not. "There is already good evidence that these [methylation] marks are strongly influenced by environment and diet," said Cambridge's Roger Foo. "We found that this process is different in diseased and normal hearts. Linking all these things together suggests this may be the 'missing link' between environmental factors and heart failure."

I'd say that epigenetics will turn out to be more useful in understanding disease than plain old genetics, which focuses on what genes people have. Having a gene is only the first step. Unless the gene is turned on, it's as meaningless and as silent as a CD you never play. Take the 2004 study that I find so intriguing. In rat pups whose moms smother them with attention, a gene that makes molecules in the brain that serve as landing sites for stress hormones gets turned on. When a mother rat ignores and neglects her pups, rarely licking and grooming them, the gene remains silenced, its status at birth. The more stress-hormone receptors the brain has, the fewer stress hormones the body releases. As a result, the offspring of attentive moms—with the receptor gene on, receptors galore, and stress hormones in check—grow up to be mellow, curious, and laid back, scientists led by Michael Meaney of McGill University reported in Nature Neuroscience. But the pups of neglectful mothers—with the receptor gene off, receptors scarce, and stress hormones flooding their brains—grow up to be skittish, fearful, and neurotic. Yet the mice's genes for this receptor are identical; all that differs is whether it is turned on or off, which in turn is determined by their mothers' behavior.

Epigenetics could also solve the longstanding mystery of why identical twins are different in so many ways. For instance, one study followed an identical twin brother who developed schizophrenia at age 22 while the other has remained healthy. Like all identical twins, they carry the same DNA sequences. But their epigenetic status differed dramatically, scientists led by Arturas Petronis of the Centre for Addiction and Mental Health found. In the healthy brother, a gene linked to schizophrenia had somehow been silenced by methylation. So although he had "a schizophrenia gene," he was spared. In the twin with schizophrenia, the gene was roaring its disease-causing message at full volume.

With any luck, the discovery of how leafy greens and multivitamins keep beneficial genes turned on, reducing the risk of lung cancer, will be only the first of many on how the way we live can reach into our double helix, for good or for ill.

Sharon Begley is NEWSWEEK's science editor and author of The Plastic Mind: New Science Reveals Our Extraordinary Potential to Transform Ourselves and Train Your Mind, Change Your Brain: How a New Science Reveals Our Extraordinary Potential to Transform Ourselves

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mardi 12 janvier 2010

67% des Français n'ont plus confiance dans la politique

Le Monde | 12 décembre 2010

La "parenthèse" de l'élection présidentielle de 2007 est bel et bien refermée. L'engouement suscité par les campagnes de Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou, ainsi que le fort taux de participation, qui avait été enregistré lors de ce scrutin, avaient été interprétés comme le signe d'une réconciliation entre les Français et la politique.

Las ! La première édition du baromètre de la confiance politique, lancé par le Centre de recherche politique de Science Po (Cevipof) – en partenariat avec l'agence Edelman et l'Institut Pierre-Mendès-France –, confirme qu'il ne s'est agi que d'un feu de paille. Selon cette enquête, réalisée par la Sofres du 9 au 19 décembre 2009 auprès d'un échantillon de 1 500 personnes, et dont les résultats ont été rendus publics lundi 11 janvier, les deux tiers des Français (67 %) n'ont désormais confiance "ni dans la droite ni dans la gauche pour gouverner le pays"; un niveau comparable à ce qui était mesuré en 2006, un an avant le scrutin présidentiel.

On mesure mieux encore l'ampleur du désenchantement en observant les réponses apportées à la question suivante : "A votre avis, est-ce que les responsables politiques, en général, se préoccupent beaucoup, assez, peu ou pas du tout de ce que pensent les gens comme vous ?" 78 % des sondés ont répondu par la négative (44 % "peu", 34 % "pas du tout") contre 22 % (2 % "beaucoup", 20 % "assez").

La confiance qui, comme l'a rappelé le directeur du Cevipof, Pascal Perrineau, était "un enjeu essentiel de la présidentielle de 2007", est donc de nouveau en lambeaux. Avec ce paradoxe : l'actuelle majorité suscite sensiblement moins de défiance dans son camp que l'opposition dans le sien. La gauche ne recueille "la confiance pour gouverner" que d'un de ses électeurs sur trois (49 % des électeurs du PS), alors que la droite a la confiance de 51 % des électeurs qui s'en disent proches (66 % des électeurs de l'UMP).


"JEU DE MASSACRE"

Dans ce "jeu de massacre", selon l'expression de M. Perrineau, les institutions locales sont les seules à tirer leur épingle du jeu. Conseils municipal, général et régional conservent la confiance des deux tiers des Français, alors qu'une proportion identique exprime de la défiance vis-à-vis de l'institution présidentielle et du gouvernement. On note que François Fillon est la seule personnalité politique à inspirer sensiblement plus de confiance (40 %) que la fonction qu'il occupe (31 % pour le gouvernement).

Seule consolation : cette nouvelle illustration de la crise de la démocratie représentative montre des rouages grippés et des outils en panne, sans que – pour l'instant ? – le modèle soit remis en cause : une courte majorité des personnes interrogées (51 %) estiment, en effet, qu'en France, la démocratie fonctionne bien, contre 49 % qui pensent le contraire.

La première vague de ce baromètre de la confiance, réalisée alors que les effets de la crise sont loin de s'être estompés, signe le retour de l'Etat régalien et/ou providence. Les hôpitaux (86 %), l'école (83 %), l'armée (75 %), la police (71 %) et – dans une moindre mesure – les grandes entreprises publiques, ainsi que la justice (60 %), figurent parmi les institutions ou organisations en lesquelles les Français ont le plus confiance.

Dans la seconde moitié du tableau, les syndicats (47 %) devancent les grandes entreprises privées (43 %) et les banques (37 %). En queue de peloton de la confiance viennent… les médias (27 %), qui sont à peine mieux considérés que les partis politiques (23 %).

La sphère privée, refuge du bonheur

En dépit de la crise, et de la profonde défiance qu'ils manifestent vis-à-vis de leurs représentants, les Français sont heureux. Pas moins de 91 % des personnes interrogées par la Sofres (32 % de "très heureux" et 59 % d'"assez heureux") en conviennent. 70 % considèrent que "dans l'ensemble, [leur] vie correspond à [leurs] attentes", 67 % assurent qu'ils sont "toujours optimistes quand [ils] pensent à [leur] avenir".

71 % concèdent qu'ils ont "en général une image très positive" d'eux-mêmes. Ce qui contribue sans doute à expliquer qu'ils soient 70 % à faire surtout confiance à eux-mêmes pour la défense de leurs intérêts.

Jean-Baptiste de Montvalon

Voir aussi

- La vaccination anti-grippale, victime de la société de défiance

samedi 9 janvier 2010

Paul Jorion, prophète de la crise financière

Paul Jorion est anthropologue et sociologue, spécialisé dans les sciences cognitives et l'économie. Il tient aussi un blog très consulté.

Paul Jorion a vécu et enseigné aux Etats-Unis, à Cambridge et à Bruxelles, avant de revenir en France il y a quelques semaines. C'est en 2004 qu'il rédige un ouvrage dont aucun éditeur ne voudra jusqu'en 2006. La Découverte accepte enfin, avec l'appui d'un certain Jacques Attali, de publier “Vers la crise du capitalisme américain” paru en 2007. Paul Jorion y annonce, entre autres, la crise des subprimes. Autant dire qu'il vise juste.

- Parlons Net reçoit Paul Jorion, le 5 juin 2009. Pour l'interroger, Philippe Labarde de Vendredi Hebdo, Philippe Cohen de Marianne2.fr, Samuel Laurent du Figaro.fr et Pascal Riché de Rue89.com.